Athée – Le café, le village,la Saône

Dominique ; ‘S’il y a bien un lieu où mes souvenirs sont défaillants, c’est bien celui-ci. J’espère que les frères et soeurs en sauront plus. Athée : le nom vient des huttes qui faisaient le village autrefois : et ajoute Wikipédia, le surnom des Athéens (rien à voir avec la religion) était les « canards ». Me demandez pas pourquoi. Il y avait une tuilerie et Léonard Perchet 1761-1838,  est mentionné comme tuilier à Athée (voir infra, le texte de François).

La population augmente (proche d’Auxonne, où; sur la place pavée, un peu déserte quand on y  passait,  on voyait la statue de Bonaparte qui avait été en garnison à cet endroit).

Souvenirs : trois entrées possibles : 

> la rue comme on la voit sur la carte postale : elle descend ;  mon horizon allait jusqu’au carrefour en bas avec la bascule, le poids public (elle existe toujours semble-t-il).A l’époque (mes 10 ans ?)il n’y avait pas beaucoup de circulation. Plus bas, il y avait un château : je n’en ai rien su, alors. 

> le café : un lieu sombre ; je n’ai plus idée de ce qu’était l’intérieur. Et à côté, la salle de danse qui alors était un grand désordre : il paraît qu’il y avait eu des peintures sur les murs faites par l’oncle Lucien (pour moi, juste un nom) : c’est François qui en parle dans son autobiographie.

Carte de Cassini : au pays des canards

> Troisième lieu : la Saône. Germain allait à la pêche pour se changer les idées, en face  à face avec la nature. Mais en barque, c’était autre chose : il fallait ramer et, en pêchant au lancer, la cuiller allait souvent se planter dans les algues et herbes de la rivière. Donc, il fallait remonter le courant jusqu’à la fois suivante : dur, dur de tenter d’attraper un brochet ! Mais ce n’était pas l’essentiel.

Si vous ne savez pas ce qu’est la cuiller, voici – je cite car je n’y connais rien : « leurre fabriqué en métal avec des formes, des éclats et des mouvements qui ressemblent à celles des proies. Elle se fixe en avant de l’hameçon à l’aide d’une canne à lancer. Elle se révèle l’une des méthodes les plus connues et les plus utilisées pour la pêche de carnassiers. C’est également l’appas le plus connu pour la pêche de brochet à l’aide d’une canne à lancer. »

De  ces difficultés – à défaut de poisson, on attrapait des herbes, ou c’était l’herbe qui nous attrapait –  est née l’idée d’une invention : le décroche-cuiller. Si j’ai bien compris, c’était un truc qui descendait le long de la ligne :  je suppose qu’en tirant sur le fil, on devait pouvoir faire bouger la cuiller et la décrocher. Je crois que l’invention n’a jamais été très loin. Il devrait y avoir des croquis dans le bureau paternel rue de Longvic

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La rivière était large : à Poncey, un peu en amont, il y avait un grand barrage (pas haut, mais long). Et du coup, ressortons la vieille plaisanterie qui parlera aux cathos qui allaient à la messe ou qui avaient fait du latin : 

Laudate est meilleure que celle de Poncey (à dire à voix haute)…

Extrait de l’autobiographie de François  (il en sait plus…) 

Les pages écrites par François sont plus riches et dépassent le cadre de cette commune :  pour lui rendre hommage, je les recopie telles que.

Les croquants.

Avec le recul des années, j’ai du mal à imaginer comment mon père, avec son modeste traitement de fonctionnaire et en période de guerre, a pu faire face et élever correctement sept enfants. En fait, il a bénéficié de l’admirable énergie et du sens de l’organisation de son épouse et ils ont formé un couple très uni, doué d’un grand sens du devoir.

Sa carrière professionnelle était bien compromise lorsqu’il quitta l’école à treize ans, après le certificat d’études, pour travailler dans les champs avec son frère Lucien. Heureusement, il fut aidé par un professeur du collège d’Auxonne qui le prépara pour réussir le concours d’entrée dans l’administration des Contributions indirectes.

Je sais qu’il a beaucoup travaillé, en particulier avec des heures supplémentaires de nuit, à l’époque où l’on contrôlait les recettes des cinémas en fin de séance. Il se déplaçait dans les entreprises pour le contrôle du chiffre d’affaires et on pouvait le voir très tard le soir, penché sur son petit bureau à colonnettes torsadées, recompter d’immenses colonnes de chiffres, la gauloise maïs collée aux lèvres. En fin de journée, il n’avait plus le temps de s’intéresser à nos études, il ne le fera pratiquement jamais, car il devait encore s’occuper du jardin potager, ressemeler nos chaussures ou nous tondre les cheveux.

Germain avait de nombreux talents artistiques qui ne furent jamais cultivés par manque de loisirs ou aussi d’émulation. Il avait été bon musicien, jouant de la clarinette ou du violon, avec son jeune frère Roger, au temps de la splendeur de la salle de danse d’Athée. Par périodes, il installait son chevalet dans la nature pour peindre des paysages, vues de Bure ou d’Athée, dans une gamme de verts qui manquait d’originalité. Mon père était aussi un rêveur, voire un utopiste quand il poursuivait la mise au point d’une de ses inventions qui devaient assurer la fortune de la famille.

Il gardait un esprit très critique envers les parents, voisins, artistes à la mode et hommes politiques et à l’occasion, ils les remettaient en place par une citation, un jeu de mots ou un trait d’humour dont il avait le secret. Un jour, à l’occasion d’un repas familial qui nous réunissait tous, alors que la conversation bruyante et désordonnée portait sur nos réussites professionnelles et autres projets d’avenir, mon père prit la parole et, en ancêtre sentencieux déclara :

« Quand on est né croquant, on restera croquant »

Les faits lui donnèrent partiellement raison, nous étions bien nés croquants. En 1980, lorsque nous avons reconstitué la généalogie familiale, nous n’avons pas trouvé d’ancêtres glorieux, mais une belle lignée de croquants :

Pierre Perchet, 1673-1733, manouvrier à Mirebeau

Pierre Perchet, 1721-1767, droguetier à Mirebeau

Léonard Perchet 1761-1838, tuilier à Athée

François Perchet 1812- ? manouvrier à Athée

François Perchet 1838-1905 maréchal-ferrant à Athée

Félix Perchet 1864-1934 maréchal-ferrant à Athée

Cette histoire de croquants doit dépasser le stade de la simple anecdote plaisante. Sommes-nous restés des croquants, descendants de ces pauvres paysans sous-alimentés, qui devaient travailler la plus grande partie de leur temps pour acheter le mauvais pain qui formait la base presque exclusive de leur alimentation ?

À notre époque, où le budget alimentation pèse si peu, où l’on a accès à presque toutes les informations, où le temps de loisir dépasse le temps de travail, où chacun peut même accéder au pouvoir politique, il serait temps d’examiner l’usage que nous faisons de toutes ces possibilités, inespérées encore au début du siècle.

Personnellement, je pense que si l’on se comporte en simple consommateur de produits et de services, sans aucune ouverture et participation utile pour une cause d’intérêt publique, politique, sociale, caritative ou écologiste, les futures générations penseront avec juste raison que nous sommes bien restés des croquants.

 

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